Une maison de fous
(Maison du Docteur Blanche)
par
Jacques Arago
(Paris ou le Livre des Cent-et-Un 4, 197 – 226, 1832)
Deux belles choses, deux choses curieuses à voir et à étudier dans notre vieille Europe : un palais de rois, une maison de fous.
De ces deux demeures, laquelle préféreriez-vous habiter ? Les insensés qui vivent auprès des monarques sont trop méthodiques, trop monotones ; ceux qu’on relègue à Charenton ou chez le docteur Blanche, me semblent moins à plaindre. On a pitié de leur état ; ils mangent, à leur gré, assis ou debout ; ils saluent sans se courber jusqu’à terre ; il leur est permis quelquefois d’avoir une volonté, de la manifester, de la soutenir. Ils parlent haut ; ils contrôlent les actions du chef ; ils résistent aux menaces, ils ne cèdent qu’à la force… Ce sont presque des hommes.
Dites-moi la vie des fous qui naissent et meurent dans les palais des rois ; moi, je vous dirai celle des êtres qui s’agitent dans des cabanons. Il y aura peut-être de la morale dans mon récit. Je les ai vus d’abord avec effroi, puis avec intérêt, plus tard avec un sentiment de commisération qui n’était pas sans douceur. La raison nous est souvent funeste, en ce qu’elle nous éclaire sur nos maux, sans avoir la puissance de nous en guérir… Ces gens ne sont donc pas tant à plaindre, puisqu’ils n’ont pas toujours le sentiment de leur infortune.
Qui n’a point d’égal n’a point d’ami ; c’est un axiome, vrai seulement pour ceux qui voient loin dans le cœur humain. Un ami me souriant d’un sourire de protection, me serrerait le cœur ; je ne l’aimerais plus. Tant pis pour moi si je suis ainsi organisé. De l’amour, de l’amitié, voilà ma vie.
L’historique d’une maison de fous, tracé par un fou, est une chose assez bizarre. J’étais fou quand j’ai écrit ces pages… Ma raison revenue, j’ai voulu les lire… Tout y est vrai, précis ; il m’a semblé sage de n’y rien retrancher ; c’est un portrait que je gâterais en le corrigeant ; je vous le livre.
M. Blanche a trente-cinq ans. Sa taille est moyenne, son embonpoint atteste un corps robuste. Il a le verbe bref, rapide, acerbe. Un homme en parfaite santé serait toujours prêt à lui demander raison de la crudité de certaines expressions dont il a l’habitude de se servir ; un fou les redoute et se tait devant les menaces. Une blessure grave reçue à l’oeil droit donne à son regard un caractère équivoque, de sorte qu’on dirait qu’il médite, qu’il étudie, quand il en fait que voir. Il produisit sur moi une fâcheuse impression ; cela devait être : je me sentis sous sa verge de fer, moi qui n’ai jamais su obéir qu’à une volonté de femme…
Elle est grande, svelte, blonde, un peu pâle. Son regard est plein de bienveillance, il rassure. Le son de sa voix console ; il y a de la poésie dans son langage. Elle a vu tant de misères, elle a entendu tant de gémissements ! Elle sait plaindre. Ce n’est point une mère tendre ; son âge vous défend cette douce illusion ; ce n’est pas simplement une amie ; vous éprouvez pour elle plus que de l’amitié, moins que de l’amour… Parlons peu de l’amour. J’ai habité plus de deux mois la maison du docteur Blanche ; fou et raisonnable, j’ai pu apprécier les qualités de la femme modeste et généreuse dont je vous parle. Cette femme est l’épouse du docteur. Vous voyez qu’on peut garder quelque souvenir aimable d’une maison de fous.
Je fus arrêté à six heures du soir, dans la rue de Grammont, par quatre robustes estafiers, qui s’emparèrent de moi par derrière, me serrant de leurs bras vigoureux. Je voulus essayer de me défendre… Vains efforts ! J’étais malade, très-souffrant, à l’agonie. Au nom du Roi ! Faut-il avoir le délire pour résister à cet ordre ? Je n’avais point le délire, et pourtant je résistai ; mais, en deux secousses, je me trouvai jeté dans une voiture, prête à me recevoir. Tout était bien calculé, prévu d’avance.
Le trajet fut long. Les estafiers causaient de la beauté de la ville, de la fraîcheur de la nuit ; et si je soupirais, ils m’invitaient à montrer du courage, à être homme. Leçons de courage données par un mouchard ! qui peut y croire ? Un mouchard sait-il ce que c’est qu’un homme, si ce n’est pour l’arrêter par derrière ? Je crois me rappeler pourtant que je leur dis que je n’avais pour eux aucune espèce de mépris… On fit bien de m’arrêter comme un fou.
Nous cheminions lentement, car nous avions des rues rapides à gravir ; et déjà, dans ce cœur horriblement torturé par une passion violente, avait pénétré un autre sentiment, l’indignation. Être colleté par un mouchard ! quel outrage ! Aux jours des émeutes j’avais éprouvé un semblable affront. Sans existence morale, le mouchard est l’homme du pouvoir ; lâche, il est l’homme de la force. Je me trompe, le mouchard est l’homme le plus courageux du monde,
Cependant nous arrivâmes à la porte de la maison de santé ; et je me rappelle les plus petites circonstances de ces lentes heures qui me torturaient si cruellement. Nous avons tant de fibres pour la douleur ! Je croyais entrer chez un juge d’instruction, chez un procureur du roi. On me l’avait vingt fois répété en route, en me parlant de poignards, d’incendie, de meurtres. J’écoutais mes gardiens en homme qui regrette de n’avoir pas fait assez pour justifier les rigueurs dont il est l’objet ; et quand j’interrogeais mes souvenirs confus, j’étais presque furieux d’avoir eu assez de raison pour ne pas briser tous les liens qui m’attachaient à la société. Le désespoir, comme la douleur, a ses degrés.
Après avoir traversé une petite cour ombragée par quelques arbres au feuillage triste et sombre, je pénétrai dans une vaste salle, occupée presque en entier par une table en fer-à-cheval. Je supposai, au premier coup d’œil, que c’était la salle de la question, et je cherchais déjà, d’un regard curieux et ferme, les instruments des tortures… On me pria poliment d’avancer.
Quel tableau !… Des figures souffrantes, des figures hébétées, des figures riant sans gaîté, pleurant sans larmes, une seule figure de pitié, celle de madame Blanche ; et tout cela aggloméré pour ainsi dire dans un espace de dix pieds carrés… Ma tête n’y était plus, je crus rêver ; je voulais savoir, je craignais d’apprendre ; vous voyez que j’avais un peu de raison.
J’eus le temps d’observer. La faiblesse de mon corps donnait, je crois, de l’énergie à mon âme. Un petit homme, rond, rouge, bourgeonné, étendu sur un fauteuil, me regardait avec des yeux stupides, et riait de mon teint cadavéreux. De quoi riait-il ? Déjà deux fois j’avais détourné ma vue de cette figure bêtement moqueuse, ignoblement sardonique, tandis que mon homme me lorgnait toujours en souriant. Je crus à une lâche provocation, et déjà ma main de fer planait sur sa joue, quand une voix douce et compatissante me pria de m’asseoir. Une voix de femme pouvait seule avoir de l’empire sur moi ; j’obéis, mon courroux s’éteignit, et j’écoutai, assez calme, la fin d’une sonate qu’exécutait sur un piano une pensionnaire d’une vingtaine d’années. Madame Bel… était folle quand elle ne jouait pas du clavecin. Je l’appris plus tard.
Mais où étais-je donc ?… Le procureur du roi ne venait point, et un profond silence régnait dans la chambre voisine, où je devais, d’après mes idées, être soumis à de rudes épreuves.
Conduisez monsieur dans son appartement, dit la fée bienveillante à un domestique qui ne m’avait pas quitté un instant. Je suivis en automate ; et, après avoir traversé deux ou trois corridors, monté deux ou trois escaliers, on me poussa vigoureusement dans une chambre à croisée bardée de grillages et de lourds barreaux. Un lit de fort mince apparence, deux chaises, une camisole de force, voilà tout l’ameublement.
Le domestique s’était adjoint un de ses camarades ; et tous deux, froids, impassibles, me regardaient en hommes habitués à voir des hommes comme moi. – Que faites-vous ? que voulez-vous ? – Nous sommes ici pour servir monsieur. – Je n’ai besoin de rien, laissez-moi. – L’ordre nous a été donné de ne point quitter monsieur. – Le procureur du roi viendra-t-il bientôt ? – Il ne peut tarder. – Il fera bien s’il veut que je lui réponde, car je perds mes forces ; et pourtant je cherchais un aliment à ma rage.
Je me couchai à demi habillé. – Si monsieur veut bien, nous avons dans ce vase de l’eau d’orge ? – Pourquoi de l’eau d’orge ? – M. Blanche l’a ordonné. – Où suis-je donc ? – Chez M. Blanche..
Le bandeau tomba : je me croyais conspirateur ; je me reconnus fou !…
J’eus honte, je pleurai… Non, ce n’était pas de honte, c’était encore d’amour ; et, quand je me vis là, là, seul, en face de cette croisée à barreaux, en face de ces deux figures sans amitié comme sans haine, en face de tous mes souvenirs de bonheur et de regrets ; quand j’eus reconnu la puissance de ceux qui m’enchaînaient et la faiblesse de la victime ; lorsque, calculant la longueur des heures, l’éternité des minutes, et que ces murs froids, insensibles, m’eurent répondu : Voici ta place ! je me vis fou, fou à tout jamais, fou par elle, fou d’amour, la plus épouvantable, la plus poignante, la plus hideuse des folies….
Je me rappelai alors tout ce qui m’avait attiré là, et je fus étonné de ne pas me sentir les bras liés, les pieds liés, la gorge dans un collier de force. J’étais fou furieux.
Oh ! qu’il n’avoue point sa folie, celui à qui l’ambition bouleverse les idées ! qu’il cache avec soin son délire frénétique, celui que l’avarice, la haine, la soif de la vengeance conduisent à Charenton, à Bicêtre, ou chez le docteur Blanche !… Mais moi, fou d’amour, je puis le dire, je puis l’avouer sans rougir. Voyez aujourd’hui ; je suis calme, je raconte mes maux passés ; et il faut que la violence de mon mal ait été bien grande, pour que les plus légères impressions y aient laissé des traces si profondes. C’est un cauchemar qui brûle même après le sommeil ; c’est une balle qui vous brise un membre, et dont vous ne ressentez l’atteinte que longtemps après la blessure… Aux jours de la raison, les instants de la folie se retracent comme dans un miroir…. Ne dites point que cela ne peut être ; je l’ai senti, éprouvé.
M. Blanche entra…. Je me préparai courageusement aux douches ; car son langage, loin de me rassurer, glaça le peu de sang qui me restait. Il me parla de meurtre, d’assassinat, d’incendie ; c’étaient les mots donnés…. Je le crus fou lui-même ; et, toujours fidèle à mon naturel compatissant, je le plaignis, moi, moi que personne ne semblait plaindre.
Toute la nuit un homme cria à mes côtés ; c’était un fou qui demandait sa liberté… Moi, je regardais les murs, les barreaux, et j’avais mille vies pour souffrir, pas une main pour briser.
Cette nuit dura je ne sais combien de siècles ; le plus léger mouvement de mes gardiens me faisait tressaillir dans mon lit…. Je me levai. L’on me mit dans un bain ; et, pour la première fois depuis longtemps, mes yeux s’arrêtèrent sur une glace. Ma figure, entièrement bouleversée, me causa une émotion indéfinissable. Je pleurai ; je sentis des larmes de feu sillonner mes joues ; et quand je pensai qu’on était sans pitié pour de pareilles souffrances, la rage me saisit au cœur…. Je ne me rappelle plus rien, sinon que je revis encore madame Blanche, que ma rage s’éteignit, que mes larmes coulèrent moins amères, moins brûlantes, et que je demandai des livres. J’aurai eu du plaisir à parcourir un dictionnaire, les chiffres d’une table de logarithmes, des mots sans suite, des phrases privées de sens, comme celles des êtres qui m’entouraient, qui m’entourent encore aujourd’hui, et pour lesquels j’éprouve une pitié si vraie, hélas ! et si stérile.
M. Blanche revont auprès de moi. Ses paroles de raison calmèrent un peu l’effervescence de mes idées : je ne pensai plus au suicide ; et pourtant, à mes côtés, réfléchissait tristement, enveloppé dans un manteau brun, un homme de vingt-cinq à trente ans, que le feu de deux pistolets n’avait pu tuer. Les balles avaient traversé la mâchoire supérieure et étaient sorties entre les deux yeux…. Il y a des êtres cruellement poursuivis par le destin ! Cet homme vit encore.
Un autre homme, à la figure riante, à la mise soignée, au sourire gracieux, vint s’asseoir près de moi, en me demandant des nouvelles de ma santé. Je ne sais pas trop ce que je répondis ; mais lui, prenant un violon, joua des variations sur un thème connu, avec une grande vigueur et une précision remarquable. Je crois que je lui adressai quelques compliments. – Oh, oh ! me répondit-il, j’ai bien d’autres talents ! Je suis le fils de Joséphine et de Jésus-Christ, et je me rappelle parfaitement avoir été Gengis-Kan, Mahomet et Napoléon… Et vous, monsieur, vous souvenez-vous de ce que vous avez été ?… Votre cervelle, en passant dans le crâne d’un autre… Madame Blanche lui imposa le silence, et il se tut en riant.
Encore un sentiment de pitié pour un malheureux ! car ici il faut plaindre tout le monde.
J’eus la permission de me promener dans la cour, puis dans le jardin…. Je vis, je reconnus, j’étudiai presque ; je puis décrire, car j’ai toute ma raison.
Au haut de la butte Montmartre, sur un tertre dominé par les bras gigantesques de plusieurs moulins à vent, est un édifice irrégulier de quelque apparence, dont la façade blanche, assez élégante, appelle les regards des curieux. Un rez-de-chaussée, un premier et un second étage, quatorze croisées, dont plusieurs à barreaux, d’autres à grillages, voilà l’aspect de l’hôtel. Deux petites ailes latérales, dont celle de gauche est habitée par le docteur et sa famille, semblent ajoutées au principal corps de logis ; un peu de verdure à côté de la grille, voilà la cour.
Le derrière de la maison a également deux étages, et donne sur un jardin à l’anglaise, petit, mais agréable. Les malades, les idiots, les fous, s’y promènent à volonté ; ceux dont la folie est dangereuse sont séparés des autres par une haute palissade de planches, qu’ils ne peuvent ni franchir, ni abattre. D’un côté la douleur, de l’autre le désespoir ; ici, les souffrances morales dans ce qu’elles ont de plus poignant ; là, les douleurs physiques et les affections de l’âme dans ce qu’elles ont de plus triste. On répand des larmes amères dans la première enceinte ; l’autre a des crises plus sombres, plus corrosives…. J’aime mieux le mal qui ôte la raison.
Presque chacune des chambres du local que je visite rappelle des drames à déchirer le cœur. Ici a gémi pendant longtemps, et gémit encore, un Portugais de naissance, dont le frère, âge de douze ans, fut pendu à Coïmbre, complice d’un projet tendant à renverser la forme du gouvernement. – Que ferons-nous de cet enfant ? dit le grand-juge à une femme ; il n’a que douze ans. – Douze ans ! répondit-elle ; tant mieux ! qu’on le pende vite, il ira souper avec les anges…. mais son frère, un peu plus âgé que lui, assiste au supplice, au pied de l’échafaud…. La femme qui commandait cet assassinat était la mère de don Miguel. L’enfant fut pendu ; et le frère, témoin de cet horrible spectacle, en perdit la raison. Les soins et l’habileté de M. Blanche lui rendirent la santé, qu’il reperdit plus tard, sans cesse poursuivi par le cadavre de son frère cadet balancé dans les airs.
Voici encore une chambre historique…. Elle a gémi, pendant de longs jours et d’éternelles nuits, entre ces quatre murs sans ornements, une femme héroïque, qui devint folle à force de bonheur… Madame Lavallette a pleuré là, sur cette couche de misère. Sir Robert Wilson, Bruce et Hutchinson arrachèrent le mari au plomb royal…. Gloire à eux ! le comte est mort aujourd’hui, et madame de Lavallette doit à M. Blanche une guérison presque miraculeuse.
Voyez-vous cette jolie cellule, au rez-de-chaussée, donnant sur le jardin ? regardez cet homme qui la parcourt d’un pas égal et précipité, c’est le général Travot. Condamné à mort au retour des Bourbons, il dut à leur clémence* une commutation de peine, une prison à perpétuité. Sa raison s’alinéa ; il prit en haine le genre humain, et le voilà maintenant rudoyant qui le touche, heurtant qui lui parle, se fâchant aussi contre le docteur, et sifflant sans cesse les airs patriotiques de la révolution de 93… C’est tout ce qui lui reste de ses souvenirs… Ne présentez pas la main au général Travot ; il vous frappera.
Ce jeune homme à la figure mélancolique, et pourtant spirituelle, est un idiot. Maître d’une fortune considérable, il se précipite avec bienveillance vers toutes les personnes qui l’entourent : Comment vous portez-vous ?… Très-bien… Moi aussi ; j’en suis enchanté*… et il vous quitte. Un peu de raison et moins de fortune, voilà un homme ; aujourd’hui c’est un idiot.
Quant à son voisin, c’est le recueillement du chartreux accroupi à côté de sa fosse ; c’est le dernier adieu de la vierge amoureuse, qui quitte le monde pour le cloître ; c’est la stupidité de la brebis qu’on porte à l’abattoir, c’est la dernière réflexion du misanthrope qui va se suicider…. Il regarde ses pieds, et le voilà, toute la journée, le front baissé et l’œil fixe. Il lève la tête, et pendant des heures entières sa tête et son corps sont immobiles…. S’il marche, on dirait un automate mû par des ressorts cachés ; quand il s’assied, c’est que l’horloge n’est plus montée…. Ce jeune homme s’appelle Adolphe ; il est riche aussi. Selon toutes les apparences, il vivra longtemps, et il mourra comme il a vécu, sans regret, sans soucis, sans amour. Qu’a-t-il fait pour être ainsi favorisé du ciel ?
Pauvre femme ! quelle sombre mélancolie répandue sur ses traits ! Elle n’aspire qu’à se tuer ; et pourtant elle joue avec des couteaux, avec des rasoirs, avec des fourchettes aiguës. Pourquoi ? Ce n’est pas ainsi qu’elle doit disparaître ! Elle s’est déjà deux fois précipitée dans un puits ; elle ne veut mourir qu’ainsi ; toutes les autres morts l’épouvantent ; celle-là seule la rassure, la console. Si vous lui parlez d’un puits, elle vous sourit, elle vous caresse, elle est votre amie. Ne lui parlez pas d’autre chose, elle ne vous comprendra pas, ou elle vous fuira. Mais un puits !… Je lui parlais souvent de puits, moi ; aussi j’étais son chéri, son intime. Quelle bizarrerie ! J’aime jusqu’à l’affection des fous.
Je ne vous dirai que quelques mots de la sœur d’un de nos comédiens, à qui les Jocrisse ont fait une si belle réputation, et dont la probité égale le mérite. Sa folie n’est point dangereuse, mais fort originale ; elle craint de mourir de faim, et seulement après ses repas. Il est rare de voir un si petit corps engloutir tant d’aliments ; et, dès qu’elle est sortie de table, ses larmes coulent en abondance, ses plaintes accusent l’avarice du genre humain, et ses cris assourdissent toute la maison.
Eh bien ! je suis moins ému de ces cris et de ces larmes que des éclats bruyants de cette jeune mère qui, nu-tête, parcourt sans cesse le jardin, en sautant, poursuivie par une idée heureuse. Le rire sur les lèvres d’un agonisant ne me déchirerait pas autrement le cœur.
Voilà pourtant ; tous ces êtres dont je vous entretiens, et vingt autres encore se parlent tous les jours, se croisent dans tous les sens, se donnent la main, se caressent parfois… La voix de M. Blanche les arrête au milieu de leur désordre, celle de madame Blanche les calme comme par enchantement ; et c’est un spectacle consolant que celui de tant de créatures réunies dans un salon, obéissant, timides et craintives, à des ordres donnés sans rudesse, à des invitations faites d’un ton paternel. On dirait de la magie.
On déjeune à dix heures, on dîne à cinq. Des mets sains et choisis sont servis par M. ou madame Blanche. C’est un pensionnat, moins le brouhaha de nos collèges. Le maître seul a la parole ; le reste se tait. Les sourds-muets n’observent pas un silence plus religieux ; les frères de la Trappe ne devaient pas manger autrement. Il y a des exceptions ; mais alors les gardiens font leur devoir, et les camisoles et les douches ramènent l’ordre.
Après le repas, on se réunit ordinairement dans un vaste salon, où le fils de Jésus-Christ et de Joséphine fait de la musique. Là encore vous retrouvez, étendu sur un fauteuil, et riant d’un rire malin, comme s’il venait de gagner un prix à une course de New-Market, cet Anglais blafard et bourgeonné que j’eus tant envie de souffleter le jour de mon arrivée. On dirait un pacha qui attend sa favorite ; on jurerait un auteur après un premier succès au Gymnase ou au Vaudeville : mais point. Cet homme croit qu’on lui parle sans cesse à voix basse, et rit des propos qu’il entend…. Heureuse folie qui ne se nourrit que d’idées gracieuses !…
Que de douleurs corrosives ont hurlé dans ces chambres à barreaux de fer ! que de misère humaine s’est dessinée avec sa hideuse nudité dans ce jardin aujourd’hui sans verdure ! Il y a plus de dix ans que cet homme le parcourt chaque matin et chaque soir, à certaines heures indiquées, et de longues années encore sont promises à ses forces physiques. Son œil est vif, ses mouvements rapides, son corps robuste également insensible aux chaleurs de l’été et aux vents glacés de l’hiver. Pour lui il n’y a qu’une saison, celle de la souffrance. Une âme ardente a dévoré sa raison. Il voulait soulager le genre humain, l’arracher à ses calamités ; c’était son rêve de toutes les minutes ; il devait devenir fou. Le voilà aujourd’hui ; il ne caresse plus sa chimère ; au contraire, il a les hommes en horreur, il les fuit, il les repousse, il les croit tous ses ennemis. Celui qui le regarde l’outrage ; celui qui l’interroge irrite ses muscles, fait battre violemment ses artères. Le malheur des autres a fait son malheur… Cette folie est rare, n’est-ce pas ?… Une vie séculaire attend ce misanthrope : cent ans de souffrances, quand on peut tant souffrir en une minute !!! Oh ! quelle éternité de joies pourra jamais le payer !
Je voulais consigner dans cette rapide analyse une foule d’anecdotes intéressantes dont chaque mur et, pour ainsi dire, chaque pierre de la maison que j’ai habitée gardent le souvenir. Je voulais vous parler aussi de cette madame de Cal……, dont le talent sur le piano est égal à celui de nos plus habiles professeurs, et qui dépense en imprécations, sous des barreaux, depuis bien des années, une vie forte et courageuse. Elle donnait un bal ; en reconduisant une de ses amies, elle fit un faux pas et roula le long de son escalier. Le lendemain, elle cessa de sourire, de donner des fêtes… Ne pourrais-je pas aussi jeter quelques larmes sur cette bonne madame***, mère d’un brave général, aide-de-camp du ministre de la guerre ? Sa folie est périodique : pendant six mois, c’est la douceur, la bonté et la religion dans ce qu’elles ont de plus touchant et de plus suave ; une heure suffit pour porter le désordre le plus épouvantable dans une tête et dans un coeur auprès desquels vous étiez à l’instant si bien à l’aise. Misère humaine !
Écoutez cependant une anecdote dont tous les personnages vous sont connus, à vous qui hantez les grandes maisons et assistez à de brillantes fêtes. Je tais les noms de mes héros ; c’est tout ce qu’ils ont droit d’exiger de ma discrétion.
Rosalie (elle ne s’appelait point Rosalie) fut conduite ici, il y a quelque temps, par un homme d’une trentaine d’années et confiée aux soins spéciaux de M. Blanche. Il n’y avait point de délire dans sa tête, et la fréquence de son pouls n’était pas assez grande pour faire supposer au docteur que l’indisposition annoncée par le battement des artères, fût la cause première de l’arrivée de la jeune femme… Le lendemain, la raison de Rosalie disparut, et M***, qui l’avait conduite la veille, pria M. Blanche d’essayer quelques remèdes. Celui-ci, étonné de la recommandation, engagea le protecteur à s’en rapporter à ses soins, et commença un traitement.
Trois mois s’étaient écoulés, et Rosalie était toujours folle. M*** revint avec son frère. Certains, dirent-ils, de l’inefficacité des efforts du docteur, ils étaient d’avis d’envoyer Rosalie à Charenton, attendu qu’ils n’avaient point assez de fortune pour payer plus long-temps une pension trop forte. – Je vous réponds de sa guérison, leur répondit M. Blanche, si vous me la confiez pendant deux ou trois mois ; et, pour partager avec vous une bonne action, je consens à ne recevoir de vous que mes déboursés. Mais, sur quelques représentations des deux frères, qui tendaient à enlever de cette maison celle à laquelle ils avaient paru d’abord prendre un si grand intérêt, le docteur leur déclara qu’il ne voulait point la leur livrer, et qu’il la garderait à ses frais.
Après avoir vraiment combattu cette généreuse résolution, MM*** se retirèrent, et M. Blanche redoubla de soins pour obtenir un heureux résultat. Ce résultat eut lieu au bout d’un mois ; Rosalie vécut et pensa.
L’œuvre charitable du docteur étant commencée, il prit à cœur de la mener à bon port. Ses attentions délicates, ses prévenances, les politesses affectueuses de madame Blanche, arrachèrent enfin à la jeune fille le secret de ses tourments. Séduite par M*** cadet, et persécutée par les assiduités du frère aîné, le premier par faiblesse, le second par vengeance, ils résolurent de cacher aux yeux du monde une grossesse que Rosalie ne pouvait guère plus déguiser. Aidés dans leurs projets par un troisième complice, c’est chez ce dernier qu’ils conduisirent l’infortunée, le jour où elle mit au monde son enfant… Elle avait été portée dans cette maison, la nuit, dans un fiacre ; et là aussi naquirent dans son âme les premiers soupçons d’une perfidie. C’était le frère du séducteur qui l’avait accouchée ; et lorsqu’elle demanda à embrasser son enfant, on lui répondit qu’il était mort… La voilà folle.
Dès que M. Blanche l’eut rappelée à la raison, Rosalie, toujours sous l’influence de sa première tendresse, demanda à embrasser son amant… – Hélas ! madame, lui dit le docteur, voilà près d’un mois qu’il n’est venu ici. – Lui ! – Oui, madame ; et je ne dois pas vous cacher que je suis révolté de sa conduite à votre égard. – Expliquez-vous, je suis calme. – Non seulement je ne crois pas que M*** vous aime encore, mais je suis convaincu de sa résolution de vous fuir à jamais. Vous êtes ici malgré lui, malgré son frère ; et si vous me promettez d’entendre, sans que votre délicatesse en soit blessée, un aveu pénible à vous faire, j’ajouterai qu’ils ont refusé de payer votre pension. – Docteur, mon enfant n’est pas mort, s’écria cette mère au désespoir. Permettez-moi de sortir, docteur ; dans une heure, je saurai toute la vérité. Oh ! laissez-moi sortir !
Rosalie, suivie par une personne de confiance, et guidée sans doute par ce puissant instinct qui ne trompe jamais une mère, descend rapidement la butte Montmartre, parcourt diverses rues dont elle ignorait le nom, et s’arrête un instant devant une porte cochère qu’elle franchit d’un pas sûr… Elle monte trois étages, elle s’attache au cordon d’une sonnette ; un homme paraît ; c’est l’ami chez lequel elle est accouchée. – Monsieur, mon enfant ! – Mais, madame… – Mon enfant, vous dis-je… et toute une âme maternelle est dans sa voix et dans son regard. – Madame, votre enfant est mort. – Vous mentez ; mon enfant n’est pas mort ; et si, sur-le-champ, sans ajouter une parole, sans faire un geste, sans exprimer un regret, vous ne me dites où est mon enfant, vous êtes arrêté, perdu, déshonoré. – Calmez-vous, madame, calmez-vous, je vous prie ; et puisque vous savez qu’il n’est pas mort, je ne vois pas d’inconvénient à vous avouer que, d’après les ordres de M*** aîné, il a été porté, tel jour, aux Enfants-Trouvés, où il est inscrit sous tel numéro. – Mentez-vous ? – Je dis vrai.
Rosalie est déjà aux Enfants-Trouvés… Oui, voilà bien le numéro de son fils ; la bienheureuse mère n’a pas tout perdu, son enfant lui reste… On ouvre un second registre… – L’enfant est mort peu de jours après son entrée à l’hôpital !…
L’infortunée est ramenée mourante chez M. Blanche, qui apprend alors les détails de cette hideuse persécution. L’honneur et la délicatesse de celui-ci ne balancent pas une minute. – Rassurez-vous, dit-il à sa protégée ; et si vous voulez me charger de la direction de cette affaire, j’ose me flatter qu’elle aura pour vous une heureuse issue. M’autorisez-vous à agir ?… Rosalie lui confia le soin de son avenir, et M. Blanche se prépara au rôle qu’il allait jouer.
Dès le lendemain matin il écrit aux deux frères ***, une lettre d’une grande sévérité, et finit en leur déclarant que si, dans deux heures, ils ne sont pas chez lui, c’est au procureur du roi qu’ils auront à rendre compte de leur conduite.
Ils furent exacts. M. Blanche leur reprocha la cruauté de leurs procédés envers une infortunée qu’ils avaient voulu perdre après l’avoir déshonorée ; il accusa le plus jeune des deux frères d’une coupable condescendance à de funestes conseils, reprocha à l’aîné ses persécutions amoureuses auprès de Rosalie, même après avoir appris qu’elle était déjà victime du lâche amour de son frère, et leur déclara que si le lendemain, à la même heure, ils ne lui apportaient pas 40,000 francs, comme un bien faible dédommagement des malheurs de Rosalie, il prendrait, lui, une détermination qu’il avait d’abord repoussée, pour ne pas vouer au mépris général un nom jusque-là recommandable. Du reste, ajouta M. Blanche, vous avez à opter entre cette proposition et votre mariage avec la jeune femme que vous avez séduite. Vous la connaissez, vous savez si elle fera céder son indignation à ses devoirs, ou peut-être encore à son amour, et je ne doute point qu’en prenant ce dernier parti vous ne me remerciiez un jour de vous l’avoir généreusement proposé.
Les conseils du frère aîné l’emportèrent sur les exhortations de M. Blanche, et le lendemain, en effet, celui-ci reçut quarante billets de banque de mille francs qu’il se hâta de présenter à Rosalie.
Non, monsieur, lui dit la jeune délaissée ; je sais être pauvre et malheureuse ; je ne veux point d’argent, je n’en accepterai pas. Si M*** me refuse sa main, mon parti est pris irrévocablement, je me tuerai.
Cette réponse fut sur-le-champ rapportée à M***. M. Blanche y ajouta quelques nouveaux conseils qui déterminèrent enfin une résolution équitable. Le séducteur de Rosalie épousa sa victime ; et tous deux aujourd’hui, heureux du présent, tranquilles sur l’avenir, n’interrogent le passé que pour en effacer les heures d’alarmes. Rosalie se souvient toujours qu’elle a été folle d’amour ; elle le dit à ses amies, elle leur raconte ses émotions, ses minutes d’espérance, ses journées d’angoisses, et je lui ai entendu souvent répéter qu’une pareille vie n’était pas sans quelque douceur… Ne la croyez pas ; elle ment pour épargner des remords à son mari.#
Maintenant votre cœur ne se serrerait-il pas à la vue de cette salle triste, silencieuse, où arrivent, agités par de brûlantes convulsions, ou inaccessibles aux plus violentes secousses, une douzaine d’hommes (sont-ce des hommes ?) qui se retrouvent chaque jour sans joie, sans sourire, sans pitié les uns pour les autres ?… Voyez ce corps maigre et élancé, c’est celui de monsieur Four…, docteur habile et studieux, que l’amour de la science et des voyages entraîna dans les forêts et les savanes de l’Amérique, et qui, riche de ses souvenirs et de ses précieuses collections, fut arrêté par des sauvages, pillé, maltraité, laissé pour mort sur le sable. Plus tard, il arriva à New-York, privé de sa raison. L’effroi, et le regret d’avoir perdu le fruit de tant de peines, tuèrent les brillantes facultés de Four… ; il fut enfermé dans les cabanons de New-York, où le général Lafayette, dans son dernier voyage aux États-Unis, le reconnut pour le fils d’un de ses amis, et d’où il le ramena en France. Le voilà aujourd’hui, l’œil fixé vers le ciel, le sourcil menaçant, les bras croisés sur la poitrine, immobile, et dans l’attitude d’un homme de cœur qui attend le coup de la mort. Ses accès de rage sont fréquents, et la vigueur de plusieurs gardiens est nécessaire pour l’assujettir à la camisole de force… Je voyais Four… presque tous les jours ; et, presque toutes les nuits, lorsque je me trouvais seul dans ma chambre, c’était lui sur qui je reportais le plus de pitié.
Un mulâtre, jeune et vigoureux, est également renfermé dans ce salon de misère et d’abrutissement ; son amour désordonné pour l’architecture l’a conduit à la maison Blanche, d’où il ne sortira que pour être porté dans le champ voisin, semé de dalles de marbre et de petites croix noires, qu’il peut voir à toute heure de sa croisée à barreaux. La folie de cet homme est extraordinaire ; il ne se plaît que debout sur une chaise, ou hissé sur l’âtre de la cheminée. L’en faire descendre, c’est exciter sa colère et vous exposer à sa fureur ; laissez là cet infortuné ; son sourire est l’indice d’une douleur aiguë, ses caresses, le prélude de violences extrêmes ; ne le voyez point sourire, empêchez qu’il vous tende la main.#
Voici encore un jeune homme, qu’un second mariage de sa mère a arraché à la société. Il était amoureux et jaloux de celle qui lui avait donné le jour ; il a mérité sa place ici. C’est un rusé adolescent sur qui l’oeil des gardiens doit être constamment ouvert. Hier en passant dans la cour, il aperçut la porte de la grille entr’ouverte ; aussitôt, se débarrassant de ses satellites sans défiance, il s’élance vers la rue, et se sauve dans la campagne. Mais les domestiques de la maison sont lestes aussi, et peu de temps après, le fugitif se trouva sous une douche rapide et glacée qui lui fit doublement regretter le peu de succès de son escapade. – Où alliez-vous ? lui dis-je. – J’allais me noyer. – Où donc ? – Oh ! je vois le canal tous les jours. – Et pourquoi vous noyer ? – Parce que je suis malheureux. – Vous sentez donc votre malheur ? – Que trop ! – Qui le cause ? – Des souvenirs. – Lesquels ? – Vous êtes un scélérat, si je vous tenais sous ma main, je vous étranglerais. – Vous êtes bien honnête. – Laissez-moi, je vous prie. – Je ne veux rien faire qui puisse vous affliger ; adieu. – Au diable ! – Merci…
Il y a dans le salon de Four… un vieillard qui ne sourit que lorsqu’on lui gratte la tête. Il cesse d’être fou pendant l’opération, hors de là c’est un idiot, et parfois un furieux. Presque toujours j’ai trouvé à ses côtés un original fort paisible, sans cesse armée d’une poignée de petites verges qu’il regarde avec amour. Vous croyez peut-être que c’est un vieux maître d’école veuf de ses jeunes élèves ; point. Sa folie est cela ; sans but, sans souvenir, sans suite dans ses sensations, il demande en se levant une poignée de baguettes, et il y aurait de la cruauté à les lui refuser, puisque sans elles il est bruyant, brutal et quelquefois même dangereux.
D’autres fous sont là, sur des chaises, sur des canapés. Le fils de Jésus-Christ, qui se dit depuis quelques jours le père de Dieu, vient les voir souvent, et les égayer par les accords de son violon. J’ai remarqué que les fous sont sensibles à la musique ; à moi elle me déchirait le cœur.
Curieux, détournez vite vos regards de l’appartement des femmes ! ma plume se refuse à retracer tant de misère, tant de douleurs. Si vous allez visiter la maison Blanche, fuyez d’un pied rapide cette salle hideuse, où la faiblesse se trouve aux prises avec ce que les passions ont de plus corrosif…
Croyez-vous aussi que je veuille vous conduire dans tous les sentiers de cette maison de deuil pour quelques-uns, d’espérance pour beaucoup d’autres ? Non ; la maison Blanche a ses secrets que tout le monde ne doit pas connaître, et je ne peux pas trahir des secrets confiés à ma raison, car ma raison revint tout entière un beau jour. Un seul remède avait la puissance d’opérer le miracle : ce remède, c’est elle qui me l’apporta ; et depuis lors, sans honte, sans regrets, j’ai dit tout ce que j’avais éprouvé. #
JACQUES ARAGO.
A madhouse
(House of Doctor Blanche)
by
Jacques Arago
Two beautiful things, two curious things to see and study in our old Europe: a palace of kings, a madhouse.
Of these two homes, which would you prefer to live in? The fools who live near monarchs are too methodical, too monotonous; those who are relegated to Charenton or to Doctor Blanche seem to me less to be pitied. We pity their condition; they eat, as they please, sitting or standing; they salute without bending to the ground; they are sometimes permitted to have a will, to manifest it, to support it. They talk loud; they control the actions of the leader; they resist threats, they yield only to force… They are almost men.
Tell me the life of madmen who are born and die in the palaces of kings; I will tell you that of the beings who move about in huts. There may be a moral in my story. I saw them first with dread, then with interest, later with a feeling of commiseration which was not without sweetness. Reason is often fatal to us, in that it enlightens us about our ills, without having the power to cure us of them… These people are therefore not so much to be pitied, since they do not always have the feeling of their misfortune.
He who has no equal has no friend; it is an axiom, true only for those who see far into the human heart. A friend smiling at me with a protective smile would wreck my heart; I wouldn’t love him anymore. Too bad for me if I am thus organized. Love, friendship, this is my lif
The history of a madhouse, traced by a madman, is a rather bizarre thing. I was mad when I wrote these pages… My reason returned, I wanted to read them… Everything is true, precise; it seemed to me wise not to take anything from it; it is a portrait that I would spoil by correcting it; I deliver it to you.
Blanche is thirty-five years old. His height is average, his overweight attests to a robust body. It has the short, quick, acerbic verb. A man in perfect health would always be ready to ask her the reason for the crudeness of certain expressions which he is accustomed to using; a madman fears them and is silent in the face of threats. A serious injury received in the right eye gives his gaze an equivocal character, so that one would say that he is meditating, that he is studying, when he only sees. It produced an unpleasant impression on me; it must have been: I felt myself under his iron rod, I who have never been able to obey anything but a woman’s will…
She is tall, slender, blond, a little pale. Her gaze is full of benevolence, is reassuring. The sound of her voice consoles; there is poetry in her language. She has seen so much misery, she has heard so much moaning! She knows how to complain. She is not a tender mother; her age forbids you this sweet illusion; she is not just a friend; you feel for her more than friendship, less than love… Let’s talk little about love. I lived for more than two months in Doctor Blanche’s house; mad and reasonable, I was able to appreciate the qualities of the modest and generous woman I am talking about. This woman is the doctor’s wife. You see that one can keep some pleasant memories of a madhouse.
I was stopped at six o’clock in the evening, in the Rue de Grammont, by four robust police officers, who seized me from behind, clasping me in their vigorous arms. I wanted to try to defend myself… Vain efforts! I was ill, in great pain, in agony. In the name of the King! Do you have to be delirious to resist this order? I was not delirious, and yet I resisted; but, in two jerks, I found myself thrown into a carriage, ready to receive me. Everything was well calculated, planned in advance.
The journey was long. The policemen were talking about the beauty of the city, the coolness of the night; and if I sighed, they invited me to show courage, to be a man. Lessons of courage given by a snitch! who can believe it? Does a constable know what a man is, except to sieze him from behind? I seem to remember, however, that I told them that I had no kind of contempt for them… They did well to stop me like a madman.
We walked slowly, for we had fast streets to climb; and already, in this heart horribly tortured by a violent passion, had penetrated another feeling, indignation. To be collared by a constable! what an outrage! In the days of the riots I had experienced a similar affront. Without moral existence, the constable is the man of power; coward, he is the man of strength. I’m wrong, he is the bravest man in the world,
However, we arrived at the door of the nursing home; and I remember the smallest circumstances of those slow hours which tortured me so cruelly. We have so much fibre for pain! I thought I was going to an examining magistrate, to a trial king’s rage. They had repeated it to me twenty times on the way, speaking to me of daggers, fires, murders. I listened to my guardians like a man who regrets not having done enough to justify the rigors to which he is subjected; and when I questioned my confused memories, I was almost furious that I had had enough reason not to break all the bonds that bound me to society. Despair, like pain, has its degrees.
After crossing a small courtyard shaded by a few trees with sad, dark foliage, I entered a vast room, occupied almost entirely by a horseshoe table. I supposed, at first glance, that it was the question room, and I was already looking with a curious and firm gaze for the instruments of torture… I was politely asked to come forward.
What a picture!… Suffering faces, stupefied faces, faces laughing without gaiety, weeping without tears, a single face of pity, that of Madame Blanche; and all that agglomerated, so to speak, in a space of ten square feet… My head was gone, I thought I was dreaming; I wanted to know, I was afraid to learn; you see I was somewhat right.
I had time to observe. The weakness of my body gave, I believe, energy to my soul. A little man, round, red, budded, stretched out on an armchair, looked at me with stupid eyes, and laughed at my cadaverous complexion. What was he laughing at? Twice already I had averted my sight from that stupidly mocking, ignobly sardonic face, while my man was still ogling me with a smile. I thought it was a cowardly provocation, and my iron hand was already hovering over his cheek, when a soft, compassionate voice begged me to sit down. Only a woman’s voice could have power over me; I obeyed, my anger died down, and I listened, quite calmly, to the end of a sonata played on a piano by a boarder in her twenties. Madame Bel… was crazy when she wasn’t playing the harpsichord. I learned that later.
But where was I?… The king’s attorney did not come, and a profound silence reigned in the adjoining room, where, according to my ideas, I was to be submitted to severe trials.
Take monsieur to his apartment, said the benevolent fairy to a servant who had not left me for a moment. I followed like an automaton; and, after crossing two or three corridors, climbing two or three flights of stairs, I was vigorously pushed into a windowed room lined with gratings and heavy bars. A bed of very thin appearance, two chairs, a straitjacket, that is all the furniture.
The servant had joined one of his comrades; and both of them, cold, impassive, looked at me like men accustomed to seeing men like me. – What do you do ? what do you want ? – We are here to serve sir. – I don’t need anything, leave me. “The order has been given to us not to leave Monsieur. “Will the king’s prosecutor come soon?” – It can’t be long. “He will do well if he wants me to answer him, for I am losing my strength; and yet I was looking for food for my rage.
I went to bed half dressed. “If Monsieur will, do we have barley water in this vase?” – Why barley water? “M. Blanche ordered it. – So where am I? – At Mr. Blanche’s..
The blindfold fell: I thought I was a conspirator; I thought I was crazy!…
I was ashamed, I wept… No, it wasn’t shame, it was still love; and when I saw myself there, there, alone, in front of this barred window, in front of these two faces without friendship or hatred, in front of all my memories of happiness and regrets; when I had recognized the power of those who chained me and the weakness of the victim; when, calculating the length of the hours, the eternity of the minutes, and these cold, insensitive walls had answered me: Here is your place! I saw myself mad, mad forever, mad by her, mad with love, the most dreadful, the most poignant, the most hideous of madness….
I remembered then all that had drawn me there, and I was amazed that I did not feel my arms bound, my feet bound, my throat in a collar of strength. I was furious.
Oh ! let him not confess his folly, he whose ideas are upset by ambition! let him carefully hide his frenzied delirium, that which avarice, hatred, the thirst for revenge lead to Charenton, to Bicêtre, or to Doctor Blanche!… But I, mad with love, can say it, I can confess it without blushing. See today; I am calm, I recount my past ills; and the violence of my illness must have been very great for the slightest impressions to have left such deep traces. It is a nightmare that burns even after sleep; it’s a bullet that breaks your limb, and you don’t feel the impact until long after the wound… In the days of reason, the moments of madness are retraced as in a mirror… Don’t say point that it cannot be; I felt it, felt it.
M. Blanche entered…. I courageously prepared myself for the showers; for his language, far from reassuring me, froze the little blood I had left. He spoke to me of murder, assassination, arson; those were the given words…. I thought him mad himself; and, always faithful to my compassionate nature, I pitied him, me, me whom no one seemed to pity.All night a man cried by my side; he was a madman asking for his freedom… Me, I looked at the walls, the bars, and I had a thousand lives to suffer, not a hand to break.
This night lasted I don’t know how many centuries; the slightest movement of my guards made me quiver in my bed…. I got up. They put me in a bath; and, for the first time in a long time, my eyes rested on a mirror. My face, completely upset, caused me an indefinable emotion. I wept; I felt tears of fire furrow my cheeks; and when I thought that there was no pity for such suffering, rage seized me in my heart…. I no longer remember anything, except that I saw Madame Blanche again, that my flowed less bitter, less burning, and that I asked for books. I would have enjoyed browsing through a dictionary, the numbers in a logarithm table, words without sequence, meaningless sentences, like those of the beings who surrounded me, who still surround me today, and for whom I feel such true pity, alas! and so sterile.
M. Blanche came back to me. His words of reason somewhat calmed the effervescence of my thoughts: I no longer thought of suicide; and yet, at my side, shrouded in a brown cloak, reflected sadly a man of twenty-five or thirty years of age, whom the fire of two pistols had not been able to kill. The bullets had passed through the upper jaw and had come out between the two eyes…. There are beings cruelly pursued by fate! This man is still alive.
Another man, with a smiling face, neatly dressed, with a gracious smile, came and sat down near me, asking me for news of my health. I don’t really know what I answered; but he, taking a violin, played variations on a known theme, with great vigor and remarkable precision. I think I gave him a few compliments. – Oh oh ! he replied, I have many other talents! I am the son of Josephine and of Jesus Christ, and I perfectly remember having been Genghis-Kan, Mahomet and Napoleon… And you, sir, do you remember what you were?… Your brains , passing through the skull of another… Madame Blanche imposed silence on him, and he fell silent, laughing.
Another feeling of pity for an unfortunate! because here you have to pity everyone.
I had permission to walk in the courtyard, then in the garden…. I saw, I recognized, I almost studied; I can describe, for I have all my reason.
At the top of the Montmartre hill, on a mound dominated by the gigantic arms of several windmills, is an irregular building of some appearance, whose white facade, quite elegant, attracts the gaze of the curious. A ground floor, a first and a second floor, fourteen windows, several of which have bars, others with gratings, such is the aspect of the hotel. Two small side wings, of which the left one is inhabited by the doctor and his family, seem to have been added to the main building; a little greenery next to the gate, that’s the yard.
The back of the house also has two floors, and overlooks a small but pleasant English garden. The sick, the idiots, the mad, walk there at will; those whose madness is dangerous are separated from the others by a high palisade of planks, which they can neither cross nor break down. On one side pain, on the other despair; here, moral suffering at its most poignant; there, the physical pains and the affections of the soul in their saddest part. Bitter tears are shed in the first enclosure; the other has darker, more corrosive crises…. I prefer evil which takes away reason.
Almost every room in the local I visit recalls heart-rending dramas. Here groaned for a long time, and still groans, a Portuguese by birth, whose brother, twelve years old, was hanged at Coimbra, an accomplice in a project tending to overthrow the form of government. “What shall we do with this child?” said the chief judge to a woman; he is only twelve years old. – Twelve years ! she answered; so much the better ! let him be hanged quickly, he will go to supper with the angels…. but his brother, a little older than him, is present at the execution, at the foot of the scaffold…. The woman who ordered this assassination was the Don Miguel’s mother. The child was hanged; and the brother, witness of this horrible spectacle, lost his reason. The care and skill of M. Blanche restored him regained his health, which he later lost again, constantly pursued by the corpse of his younger brother swaying in the air.
Here is another historic room…. She groaned, for long days and eternal nights, between these four unadorned walls, a heroic woman, who went mad from happiness… Madame Lavallette wept there, on this layer of misery. Sir Robert Wilson, Bruce and Hutchinson snatched the husband from the royal lead…. Glory to them! the Count died today, and Madame de Lavallette owes M. Blanche an almost miraculous recovery.
Do you see that pretty cell, on the ground floor, overlooking the garden? look at this man who crosses it with an even and hasty step, it is General Travot. Sentenced to death on the return of the Bourbons, he owed to their clemency* a commutation of sentence, a life imprisonment. His reason is subdivided; he hated the human race, and there he is now, harsh who touches him, hurting whoever speaks to him, also getting angry with the doctor, and constantly whistling the patriotic tunes of the revolution of 93… That’s all that his memories remain… Do not present your hand to General Travot; he will hit you.
This young man with the melancholy face, and yet spiritual, is an idiot. Master of a considerable fortune, he rushes benevolently towards all the people around him: How are you?… Very well… Me too; I am delighted*… and he is leaving you. A little reason and less fortune, here is a man; today he is an idiot.
As for his neighbour, he is the recollection of the Carthusian squatting beside his grave; it is the last farewell of the amorous virgin, who leaves the world for the cloister; it’s the stupidity of the sheep being carried to the slaughterhouse, it’s the last thought of the misanthrope who is about to commit suicide. fixed eye. He raises his head, and for whole hours his head and his body are motionless…. If he walks, he looks like an automaton moved by hidden springs; when he sits down, it means that the clock has stopped going up…. This young man is called Adolphe; he is also rich. To all appearances, he will live a long time, and he will die as he lived, without regret, without worries, without love. What did he do to be so favored from heaven?
Poor woman ! what gloomy melancholy spread over his features! She longs only to kill herself; and yet she plays with knives, with razors, with sharp forks. Why ? This is not how it should disappear! She has already twice rushed into a well; she only wants to die like this; all other deaths terrify her; that alone reassures her, consoles her. If you speak to her about a well, she smiles at you, she caresses you, she is your friend. Don’t talk to her about anything else, she won’t understand you, or she’ll run away from you. But a well!… I often spoke to her about wells; I was also his darling, his intimate. What an oddity! I love even the affection of madmen.
I will only say a few words to you about the sister of one of our actors, to whom the Jocrisse have made such a fine reputation, and whose honesty equals her merit. Her madness is not dangerous, but very original; she is afraid of dying of hunger, and only after her meals. It is rare to see such a small body gobble up so much food; and, as soon as she leaves the table, her tears flow in abundance, her complaints show the avarice of the human race, and her cries deafen the whole house.
Well ! I am less moved by these cries and these tears than by the noisy bursts of this young mother who, bare-headed, endlessly runs through the garden, jumping, pursued by a happy idea. The laughter on the lips of a dying man would not otherwise tear my heart.
Here it is, however; all these beings of whom I speak to you, and twenty others speak to each other every day, pass each other in all directions, hold hands, sometimes caress each other… M. Blanche’s voice stops them in the midst of their disorder, that of Madame Blanche calms them as if by magic; and it is a consoling spectacle, that of so many creatures gathered in a salon, obedient, timid and timid, to orders given without harshness, to invitations made in a paternal tone. Looks like magic.
We lunch at ten o’clock, we dine at five. Healthy and selected dishes are served by Mr. or Mrs. Blanche. It’s a boarding school, minus the hubbub of our colleges. The master alone has the floor; the rest are silent. The deaf-mutes do not observe a more religious silence; the La Trappe brothers were not to eat otherwise. There are exceptions ; but then the guards do their duty, and the straitjackets and showers restore order.
After the meal, we usually meet in a large living room, where the son of Jesus Christ and Josephine makes music. There again you find ez, stretched out on an armchair, and laughing with a wicked laugh, as if he had just won a prize in a race in New Market, this pallid, puffy Englishman whom I had so much wanted to slap on the day of my arrival. . He looks like a pasha waiting for his favourite; one would swear an author after a first success at the Gymnase or at the Vaudeville: but not. This man believes that people speak to him constantly in a low voice, and laugh at the remarks he hears…. Happy madness which feeds only on graceful ideas!…
What corrosive pain howled in these iron-barred chambers! How much human misery has taken shape with its hideous nudity in this garden today devoid of greenery! For more than ten years this man has been walking through it every morning and every evening, at certain hours, and many more years are promised to his physical strength. His eyes are keen, his movements rapid, his robust body equally insensitive to the heat of summer and the icy winds of winter. For him there is only one season, that of suffering. A burning soul has devoured his reason. He wanted to relieve the human race, to snatch it from its calamities; it was his constant dream; he must have gone mad. Here it is today; he no longer cherishes his chimera; on the contrary, he abhors men, he shuns them, he rejects them, he believes them all his enemies. He who looks at him outrages him; whoever questions him irritates his muscles, makes his arteries beat violently. The misfortune of others has caused his misfortune… This madness is rare, isn’t it?… A secular life awaits this misanthrope: a hundred years of suffering, when you can suffer so much in a minute!!! Oh ! what eternity of joys will ever be able to pay for it!
I wanted to record in this quick analysis a host of interesting anecdotes of which every wall and, so to speak, every stone of the house I lived keeps the memory. I also wanted to talk to you about this Madame de Cal……, whose talent on the piano is equal to that of our most skilful teachers, and who has been spending in imprecations, under bars, for many years, a life strong and courageous. She was giving a ball; While driving one of her friends home, she took a misstep and rolled down her staircase. The next day she stopped smiling, giving parties… Couldn’t I also shed a few tears over this good Madame, mother of a brave general, aide-de-camp to the Minister of War? Her madness is periodic: for six months, it is gentleness, kindness and religion in their most touching and suave form; an hour is enough to bring the most terrible disorder into a head and into a heart with which you were at the moment so well at ease. Human misery!
However, listen to an anecdote whose characters are all known to you who haunt the great houses and attend brilliant parties. I conceal the names of my heroes; that is all they have a right to require of my discretion.
Rosalie (her name was not Rosalie) was brought here some time ago by a man of about thirty and entrusted to the special care of M. Blanche. There was no delirium in her head, and the frequency of her pulse was not high enough to make the doctor suppose that the indisposition announced by the beating of the arteries was the primary cause of the arrival of the young woman… The next day, Rosalie’s reason disappeared, and M***, who had brought her the day before, begged M. Blanche to try some remedies. The latter, astonished at the recommendation, urged the protector to submit to his care, and began a treatment.
Three months had passed, and Rosalie was still mad. M*** came back with his brother. Certain, they said, of the ineffectiveness of the doctor’s efforts, they were of the opinion to send Rosalie to Charenton, seeing that they had not enough fortune to pay too long a pension which was too high. “I answer to you for her cure,” replied M. Blanche, “if you entrust her to me for two or three months; and, to share with you a good deed, I agree to receive from you only my disbursements. But, on some representations from the two brothers, who tended to remove from this house the one in which they had at first seemed to take such a great interest, the doctor declared to them that he did not want to hand her over to them, and that he would keep at his expense.
After having really resisted this generous resolution, MM retired, and M. Blanche redoubled his efforts to obtain a happy result. This result took place after a month; Rosalie lived and thought.
The charitable work of the doctor having begun, he took it to heart to bring it to fruition. His delicate attentions, his thoughtfulness, the affectionate politeness of Madame Blanche, finally wrested from the young girl the secret of her torments. Seduced by M *** younger, and persecuted by the attentions of the elder brother, the first by weakness, the second by In revenge, they resolved to hide from the eyes of the world a pregnancy that Rosalie could hardly disguise. Helped in their plans by a third accomplice, it was to the latter that they took the unfortunate woman, the day she gave birth to her child… She had been taken to this house at night in a cab; and there also arose in his soul the first suspicions of perfidy. It was the brother of the seducer who had given birth to her; and when she asked to kiss her child, she was told that he was dead… There she is mad.
As soon as M. Blanche had brought her to her senses, Rosalie, still under the influence of her first tenderness, asked to kiss her lover. madam, said the doctor, it is nearly a month since he came here. – Him ! – Yes Madam ; and I must not hide from you that I am revolted by his conduct towards you. – Explain yourself, I’m calm. “Not only do I not believe that M*** still loves you, but I am convinced of her resolution to flee you forever. You are here in spite of him, in spite of his brother; and if you promise to hear, without hurting your delicacy, a painful confession to make, I will add that they refused to pay your pension. “Doctor, my child is not dead,” cried this mother in despair. Let me out, doctor; in an hour, I will know the whole truth. Oh ! let me go out !
Rosalie, followed by someone she trusts, and no doubt guided by that powerful instinct which never deceives a mother, quickly descends the Montmartre hill, walks through various streets whose names she does not know, and stops for a moment in front of a carriage entrance which she crosses with a sure step… She goes up three flights of stairs, she attaches herself to the cord of a bell; a man appears; it is the friend with whom she gave birth. “Sir, my child! – But, Madame… – My child, I tell you… and a whole maternal soul is in her voice and in her gaze. “Madam, your child is dead. – You’re lying ; my child is not dead; and if, on the spot, without adding a word, without making a gesture, without expressing a regret, you do not tell me where my child is, you are arrested, lost, dishonoured.
“Calm down, madame, calm down, please; and since you know that he is not dead, I do not see any inconvenience in admitting to you that, according to the orders of M *** elder, he was taken, such a day, to the Foundlings, where it is registered under such number. – Are you lying? – I’m telling the truth.
Rosalie is already at the Foundlings… Yes, that’s her son’s number; the blessed mother has not lost everything, her child remains to her… A second register is opened… – The child died a few days after entering the hospital!…
The unfortunate woman is brought back dying to Mr. Blanche, who then learns the details of this hideous persecution. The honor and the delicacy of this one do not hesitate for a minute. “Reassure yourself,” he said to his protegee; and if you want to entrust me with the direction of this affair, I dare to flatter myself that it will have a happy issue for you. Do you authorize me to act? Rosalie entrusted him with the care of her future, and M. Blanche prepared himself for the role he was about to play.
The next morning he wrote to the two brothers ***, a letter of great severity, and ended by telling them that if, in two hours, they are not at his house, it is to the king’s prosecutor that they will have to account for their conduct.
They were accurate. M. Blanche reproached them with the cruelty of their proceedings towards an unfortunate woman whom they had wished to destroy after having dishonoured her; he accused the younger of the two brothers of culpable condescension to disastrous advice, reproached the eldest for his amorous persecutions of Rosalie, even after having learned that she was already the victim of his brother’s cowardly love, and declared to them that if the next day, at the same time, they did not bring him 40,000 francs, as a very small compensation for Rosalie’s misfortunes, he himself would take a decision which he had initially rejected, so as not to devote himself to contempt general a name that had been recommendable until then. Besides, added M. Blanche, you have to choose between this proposal and your marriage to the young woman you have seduced. You know her, you know if she will make her indignation yield to her duties, or perhaps even to her love, and I have no doubt that by taking this last step you will thank me one day for having generously proposed it to you.
The elder brother’s advice prevailed over M. Blanche’s exhortations, and the next day, in fact, the latter received forty thousand-franc banknotes which he hastened to present to Rosalie.
No, sir, said the neglected girl; I know how to be poor and unhappy; I don’t want money, I won’t accept it. If M *** refuses me his hand, my party is irrevocably taken, I will kill myself.
This reply was immediately reported to M***. M. Blanche added a few new councils which finally determined a fair resolution. Rosalie’s seducer married his victim; and both today, happy with the present, calm about the future, question the past only to erase its hours of alarm. Rosalie always remembers that she was madly in love; she tells her friends, she tells them about her emotions, her moments of hope, her days of anguish, and I have often heard her repeat that such a life is not without some sweetness… Don’t believe her not ; she lies to spare her husband remorse.
Now would your heart not sink at the sight of this sad, silent room, where, agitated by burning convulsions, or inaccessible to the most violent shocks, a dozen men arrive (are they men?) find each other every day without joy, without a smile, without pity for each other?… Look at this lean and slender body, it is that of Monsieur Four…, a skilful and studious doctor, whom the love of science and journeys involved in the forests and savannahs of America, and who, rich in his memories and his precious collections, was arrested by savages, pillaged, ill-treated, left for dead on the sand. Later, he arrived in New York, deprived of his reason. Terror, and regret at having lost the fruit of so much labor, killed the brilliant faculties of Four…; he was shut up in the huts of New York, where General Lafayette, on his last trip to the United States, recognized him as the son of one of his friends, and from whence he brought him back to France. Here he is today, his eyes fixed on the sky, his eyebrows threatening, his arms crossed on his chest, motionless, and in the attitude of a man of heart who awaits the blow of death. His fits of rage are frequent, and the vigor of several guards is necessary to bind him to the straitjacket… I saw Four… almost every day; and, almost every night, when I was alone in my room, it was he on whom I felt the most pity.
A mulatto, young and vigorous, is also shut up in this salon of misery and brutality; his disorderly love for architecture led him to the White House, from which he will only come out to be carried into the nearby field, strewn with marble slabs and small black crosses, which he can see at all hours of its barred window. The folly of this man is extraordinary; he only likes standing on a chair, or hoisted on the hearth of the fireplace. To bring him down is to excite his anger and expose you to his fury; leave this unfortunate man there; her smile is the sign of acute pain, her caresses the prelude to extreme violence; do not see him smile, prevent him from extending his hand to you.
Here is another young man, whom his mother’s second marriage has torn from society. He was in love and jealous of her who had given birth to him; he has earned his place here. He is a cunning teenager on whom the eye of the guards must be constantly open. Passing through the yard yesterday, he saw the door of the gate half open; immediately, getting rid of his satellites without distrust, he rushes towards the street, and flees into the country. But the servants of the house are nimble too, and a short time later the fugitive found himself under a rapid and icy shower which made him doubly regret the lack of success of his escapade. – Where were you going ? I said. – I was going to drown. – Or so ? – Oh ! I see the channel every day. “And why drown yourself?” “Because I’m unhappy. “So you feel your misfortune?” – Too much! – Who caused it? – Souvenirs. – Which ? – You are a villain, if I held you in my hand, I would strangle you. – You are very honest. “Leave me, please. “I don’t want to do anything that can upset you; farewell. – To hell ! – Thank you…
There is in Four’s drawing-room… an old man who only smiles when his head is scratched. He stops being mad during the operation, outside of it he is an idiot, and sometimes furious. Almost always I found at his side a very peaceful original, constantly armed with a handful of little rods which he looks at lovingly. You may think he is an old schoolmaster, widowed of his young pupils; point. His folly is that; aimless, without memory, without sequence in his sensations, he asks as he stands up for a handful of chopsticks, and it would be cruel to refuse them to him, since without them he is noisy, brutal and sometimes even dangerous.
Other madmen are there, on chairs, on sofas. The son of Jesus Christ, who for some days now calls himself the father of God, comes to see them often, and cheers them up with the chords of his violin. I have noticed that madmen are sensitive to music; to me it tore my heart.
Curious, quickly turn your eyes away from the women’s apartment! my pen refuses to recount so much misery, so much pain. If you go to visit the Maison Blanche, flee this hideous room with a swift foot, where weakness finds itself at grips with the most corrosive passions…
Do you also believe that I want to lead you along all the paths of this house of mourning for some, of hope for many others? No ; the Maison Blanche has its secrets that not everyone must know, and I cannot betray secrets entrusted to my reason, because my reason returned completely one fine day. A single remedy had the power to work the miracle: this remedy, it was she who brought it to me; and since then, without shame, without regret, I said all that I had felt.
JACQUES ARAGO.